Ce que la COP27 en Égypte signifie pour le climat et les droits de l’homme

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Alors que le monde est aux prises avec des crises environnementales et sociales de plus en plus graves, la Conférence des Parties de l’ONU (COP27) constitue un forum crucial pour trouver une réponse mondiale coordonnée et socialement juste. Pourtant, l’importance de cette conférence historique est ternie par la tentative de “greenwashing” de son hôte, l’Égypte, un État policier dont le bilan en matière de droits de l’homme est lamentable.

Les crises climatiques doivent être abordées comme des crises sociales. De même, la défense des droits de l’homme fait partie intégrante de la défense d’une planète vivable.

Nous ne pouvons pas séparer les luttes climatiques et sociales. Elles sont liées entre elles et doivent être abordées ensemble. Alors que le monde devient plus volatile sur le plan géopolitique, plus injuste sur le plan social et plus vulnérable sur le plan environnemental, aborder ces questions ensemble apparaît comme la seule façon de débloquer un avenir juste et durable pour tous.

C’est dans ce contexte que la campagne #ClimateOfChange a été lancée à travers différentes activités visant à sensibiliser la population à la dimension sociale des crises climatiques, à leurs effets inégaux dans différentes parties du monde et à la nécessité d’exiger une action urgente et globale. Près de 60 000 personnes ont déjà signé notre pétition demandant la justice climatique et le changement systémique.

La Conférence des Parties de l’ONU (COP 27) de cette année en Égypte offre un scénario unique pour inciter les décideurs mondiaux à passer des paroles aux actes en matière de climat et de justice sociale. Cependant, bien qu’il ait été prévu qu’il s’agisse d’une COP marquante pour le Sud, la première à se dérouler en Afrique depuis longtemps, ce sommet pose une série de problèmes louches qui ne peuvent être négligés.

Le Greenwashing d’un État policier

Alors que des milliers de militants vont faire entendre leur voix en Égypte au cours de la deuxième semaine de novembre, près de 60 000 militants politiques égyptiens emprisonnés resteront silencieux dans l’obscurité de leurs cellules, non loin du lieu de la COP27.

Depuis que le président Abdel-Fattah El-Sisi a pris ses fonctions en 2014, l’Égypte a vu comment des manifestants ont été massacrés dans les rues, tandis que des milliers de militants et de journalistes ont été emprisonnés et torturés dans des postes de police et des prisons dans tout le pays.

Les militants, les observateurs d’ONG et les journalistes qui suivront légitimement les discussions de la COP27 sur les “pertes et dommages” climatiques, principal sujet de ce sommet, ne peuvent ignorer ce que le régime d’el-Sisi fait aux Égyptiens en termes de droits humains et fondamentaux. “Sans liberté politique, il n’y a pas d’action climatique significative”, écrivait Naomi Klein dans The Guardian il y a une semaine.

Au sein du consortium #ClimateOfChange, nous souhaitons souligner notre soutien sans équivoque à la société civile égyptienne et notre appel à la communauté internationale à ne pas fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme commises par l’État policier d’el-Sisi. Nous condamnons également les restrictions injustifiées à la participation de la société civile à cette convention et le fait étonnant que le premier pollueur plastique au monde, Coca-cola, sera le sponsor officiel de la COP27. L’ensemble de l’organisation de cette COP est véritablement scandaleux.

Réparations climatiques

Malgré les circonstances graves qui entourent cette COP27, elle devrait être l’un des sommets les plus importants pour débloquer un soutien financier pour ceux qui subissent des pertes et des dommages climatiques.

Comme l’a souligné le ministre pakistanais du climat après les inondations historiques du mois d’août qui ont submergé un tiers de son pays et touché 33 millions de personnes, il existe “une nouvelle génération de migrants climatiques” qui mérite d’être réparée de la part des pays industrialisés, riches et pollueurs.

Le changement climatique est l’ici et le maintenant pour 20 millions de personnes forcées de quitter leur foyer chaque année et de devenir des déplacés internes ou de migrer vers les pays voisins. Les communautés et les populations du Sud supportent déjà le poids des pires impacts du changement climatique (sécheresses, inondations, crises alimentaires, pénurie d’eau, catastrophes climatiques, etc.) alors même qu’elles ont le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre et au changement climatique.

L’incapacité de la communauté internationale, et en particulier des pays occidentaux riches, à assumer la responsabilité de la crise a conduit à une paralysie mondiale en termes d’action climatique. L’UE et les autres pays riches doivent tenir leurs engagements de mobiliser 100 milliards de dollars par an au profit du Fonds vert pour les communautés et les pays les plus touchés par le changement climatique. Ce financement doit être partagé équitablement entre l’atténuation et l’adaptation et ne doit pas contribuer à augmenter la dette des pays du Sud.

Alors que l’UE s’est engagée à allouer au moins 0,7 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement d’ici 2030, elle doit accroître ses efforts financiers en faveur de l’adaptation au changement et de l’atténuation pour les pays à revenu faible et intermédiaire. Il est essentiel que la COP27 débouche sur un nouveau mécanisme de financement des pertes et dommages, afin de mobiliser des fonds supplémentaires auprès des pays riches et des entreprises polluantes pour aider les communautés exposées au-delà de leurs capacités d’adaptation.

La justice climatique : une question de droits

Les migrants et les jeunes victimes du climat sont les visages humains du changement climatique, car ce sont eux qui en subiront les pires effets.

Un groupe de jeunes ambassadeurs de #ClimateOfChange sera en Égypte pour porter nos demandes de pétition aux décideurs de l’UE. Ils s’entretiendront avec des représentants de la jeunesse africaine et latino-américaine sur l’adaptation au climat et les défis de la migration induite par le climat, en mettant l’accent sur les disparités régionales et l’injustice environnementale.

L’appel que nous lançons aux dirigeants du monde entier ne vise pas seulement à atténuer les effets sociaux de cette crise, mais aussi à garantir un avenir meilleur dans lequel chacun pourra s’épanouir. Nous devons accélérer la transition vers une économie du bien-être socialement et écologiquement juste, en abandonnant la fixation destructrice sur une croissance économique et de productivité constante. Au contraire, elle doit devenir régénératrice, durable, démocratique, équitable, bienveillante et juste à partir d’une approche globale et internationale. 

Réussir la COP27 est une chance à ne pas manquer. Nous devons non seulement définir à quoi devrait ressembler notre nouveau système, mais aussi comment y parvenir. Une transition juste est nécessaire pour que le processus vers le changement garantisse la satisfaction des besoins fondamentaux et le bien-être social, pour tous, de l’Égypte à l’UE.

L’avenir que nous envisageons est régénérateur, démocratique et bienveillant. Il est équitable et juste à tous égards et véritablement durable sur le long terme, au lieu d’être fabriqué dans des vidéos “made-to-look-good”.

Si nous ne nous attaquons pas directement aux problèmes qui alimentent le feu et ne défendons pas ce qui est juste, nous risquons de faire de la COP27 un échec historique pour l’humanité. Au lieu de faire preuve de flexibilité morale, les dirigeants internationaux devraient profiter de l’événement pour amplifier la voix de ceux qui ont été réduits au silence.

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